Carte postale 25 – Document 15 : La cour des Sœurs

« Séminaire de Floreffe. La Cour du quartier des Religieuses. » Plus couramment appelé « Cour des Sœurs », cet endroit a une histoire peu banale. Criminelle même, dans la nuit du 15 au 16 septembre 1726. Un document ancien nous en parle (Chanoine BARBIER, Histoire de l’abbaye de Floreffe), un autre nous décrit les lieux en 1738 (de SAUMERY, Les Délices du Pays de Liège). C’est la raison pour laquelle ce document trouve sa place aussi bien dans la rubrique « Documents écrits » que dans la rubrique « Cartes postales ».

  

Description des lieux dans « Les Délices du Pays de Liège ».
Voici comment, entre 1738 et 1744, l’auteur des « Délices du Pays de Liège », Pierre-Lambert de SAUMERY, commente l’endroit, aujourd’hui encore appelé la « Cour des Sœurs » – même s’il n’y a plus de religieuses au Séminaire depuis 1993.

«  (…) une Cour dont le milieu est orné d’un vaste bassin fait en trèfle et revêtu de pierre, d’où jaillissent plusieurs jets d’eau collatéraux qui se croisent avec celui du centre, qui y font un bel effet. C’est là où est bâti le corps de logis où logent les religieux dont le réfectoire, qui est au-dessous, est embelli d’une voûte soutenue de trois piliers très déliés. Il est flanqué d’un gros pavillon de la figure d’un T. où sont infirmeries propres et commodes, avec une chapelle qui ne l’est pas moins. Au-dessus est une belle bibliothèque de 85 pieds de long sur 41 de large, pavée de marbre, voûtée avec autant de propreté que de solidité et percée de 15 grandes fenêtres qui la rendent riante et claire par le grand jour qu’elles lui donnent. Elle est suivie de deux pièces parallèles. L’une contient l’appartement du Prieur de cette maison, et l’autre est une salle carrée pavée de marbre, proprement voûtée et percée de quatre grandes fenêtres où sont resserrés les livres défendus. »

La carte postale.
Sur notre carte postale, le « vaste bassin » est toujours bien là et son état semble impeccable. Un jet d’eau est installé en son centre, on peut même, en agrandissant la photo, distinguer un fin jet d’eau qui en jaillit verticalement. La cour est pavée. Elle l’est restée jusque dans les années 1950. Aujourd’hui, en 2019, il en reste encore une petite partie près de la vasque. Un grand acacia s’élève maintenant là où il n’y avait que deux petits arbres et l’ancien bassin en forme de trèfle est occupé par une nombreuse basse-cour, qui fait l’objet des soins attentifs d’Antoni Filée.

Les bâtiments ? Ceux au niveau de la cour, accolés au bâtiment principal, ont disparu. Ils étaient contemporains de ceux qu’on découvre à droite, en entrant dans la cour des Sœurs (la boutique, l’atelier, la classe de musique) – du début du 19ème siècle environ.
Au premier étage, l’actuel second réfectoire. Remarquez que ses fenêtres, dans leur partie basse, sont munies de brise-vue. Il fallait que les religieuses se sentent chez elles.
L’étage supérieur du « corps de logis » était celui où logeaient les religieux prémontrés. Cette partie fut occupée ensuite par les dortoirs des élèves.

Pourquoi une vasque d’eau ?
Un incendie criminel est à l’origine de la création d’un réservoir d’eau à cet endroit. Nous en trouvons la relation dans V. BARBIER, « Histoire de l’abbaye de Floreffe de l’ordre de Prémontré », tome I, p. 410-411, 1892.

L’auteur vient d’expliquer les travaux au « quartier monumental de la bibliothèque, par l’abbé Van Werdt.»
«  (…) Pendant que l’abbé était occupé à ces travaux, un religieux, nommé Durand, indigne de son caractère et de sa profession, mit le feu à l’abbaye dans la nuit du 15 au 16 septembre 1726. L’incendie consuma les dortoirs, une partie de la bibliothèque et du bâtiment voisin. Le malheureux reconnut sa faute et confessa, en outre, avoir dérobé à différentes reprises plusieurs milliers de florins. Son beau-frère Pirmez, marchand à Namur, détenteur d’une partie de l’argent volé (1 400 écus), fut sommé judiciairement de le restituer. Durand apostasia d’abord, puis se rendit à Rome pour solliciter son pardon. Après l’avoir obtenu, il se retira, sur l’ordre de son général, à Prémontré, où il finit ses jours dans la pénitence.

Van Werdt s’empressa de relever les constructions détruites par les flammes. Le quartier au-dessus des cuisines avait particulièrement souffert. Le réfectoire et le bâtiment contigu n’avaient perdu que leur toiture. Celui-ci fut élargi au moyen d’un portique ajouté dans toute sa longueur. Comme le manque d’eau avait empêché d’arrêter les progrès de l’incendie, on prévint le retour d’un pareil malheur par l’établissement d’un vaste bassin orné d’un jet d’eau. »

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